Guy Bedos, comédien, scénariste et réalisateur, est décédé le 28 mai.
Il est aussi le père de Nicolas Bedos, acteur et réalisateur, qui a voulu lui rendre hommage dans une lettre lue par Augustin Trapenard sur France Inter lundi 1er juin dans sa rubrique Lettres d’Intérieur.
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Nicolas Bedos et sa lettre émouvante à son père décédé
C’ est dans une lettre pleine d’émotions et de souvenirs personnels et intimes que Nicolas Bedos voulait rendre hommage à son père. Ce qui suit est :
Paris, 31 mai 2020, Papa, Une dernière nuit près de toi. Des bougies, un peu de whisky, votre main fine et féminine qui sert la mienne jusqu’au petit jour du dernier jour. Ton regard enfantin qui désarme un peu plus le gamin que je redeviens. Au-dessus de votre lit, un bordel de photos, de Jean-Loup Dabadie à Gisèle Halimi, de Desproges à Camus en passant par Guitry. Il n’a pas voté la même chose, il n’a pas prié les mêmes fantômes, mais vous avez marché ensemble dans un sens de l’humour et de l’amour. À la fin de vos jambes qui ne marchent plus, vos chats — sereins, comme des gardiens. Sur la table de chevet, un fond de verre Coca, le lien ultime entre ce monde et vous, quelques gorgées de force qui vous permettent, du bas de votre faiblesse, de lancer des gestes d’élégance et de tendresse insolentes. Fâché de ne pas pouvoir parler, vous envoyez des baisers silencieux à votre épouse bien-aimée, à votre fille bien-aimée, à la fenêtre de l’île Saint-Louis, au soleil que vous fuyez. Des gestes silencieux qui font un merveilleux boucan dans nos yeux malheureux. Tu auras mélangé la vache et l’amour jusqu’à ce que tu lâches le rideau. Le « sortir du chemin » et le « Je t’aime ». Caresses et gifles, jusqu’à la fin. Incorrigible Cabotin, vous aviez bien planifié votre tir : dans votre dernier morceau de mémoire, vous aviez mis « vous êtes belle, je suis heureux, j’ai de la chance. C’est ta mère juste en face de moi ? C’est ma femme ? Oh, tellement mieux ! ». On va t’emmener dans ton costume de scène. Celle des croquis et des revues de presse, la télévision et la radio, celui qui a parcouru la France, le long et à travers les gorges de certains maires. J’ai délié ta cravate noire. On va t’emmener où tu veux, c’est toi qui dicte le programme, c’est toi qui conduis sans permis. D’abord à l’église Saint-Germain, vous n’étiez pas très copain avec les religions, mais les églises, vous étiez ravis. Tu as dit : « On devrait pouvoir les louer pour des spectacles de music-hall, des projections de films, des concerts de poésie. » Il y aura des athées, pleins d’Arabes et pleins de Juifs. Ça aurait choqué votre mère, vous auriez aimé que votre mère soit en colère. Ensuite, nous vous emmenons vers la Corse, vers ce village qui vous a redonné un peu de votre Méditerranée d’Alger. On va chanter avec Izia et le Tao, Higelin, Trenet, Dabadie et Nougaro. Nous allons vous faire des violons, mélodrame a capella : vous ne devriez pas égaliser votre chagrin, quand un acteur sort. Nous devons lâcher les bravos et occuper toutes les places. C’est leur gâchis, c’est ton butin. Surtout que j’ai l’impression que tu n’es pas loin… Tu es Pas mort. Tu es enfin endormi. Nicolas Bedos
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Je ne sais pas pour toi, mais je l’ai bougé comme une bouteille d’Orangina.
Hommage à des parents morts, ça me contrarie à chaque fois
Je vous en ai déjà parlé brièvement dans un article : je suis un orphelin. Mes deux parents sont morts il y a quelques années. J’ai néanmoins été « chanceux » qu’ils ne meurent pas en même temps, mais à des intervalles de plusieurs années. Ma mère est morte quand j’avais 13 ans, et mon père est mort quand j’avais 24 ans. Onze ans entre chaque mort, je dois admettre que ce n’était pas très facile à gérer.
Mais c’est la vie, c’est comme ça, souvent les parents meurent, et les enfants survivent. Cela peut être plus douloureux quand cela arrive à un âge où vous en avez encore besoin, mais c’est ainsi que vous devez continuer à vivre.
Dès que je l’ai lu ou que je regarde l’hommage d’un enfant à son parent décédé, ça me prend très violemment. Et même si je n’ai aucune affinité ou intérêt pour la personne qui écrit les mots, comme c’est le cas par exemple avec Nicolas Bedos, cela me touche, parce que cela me ramène à mon propre chagrin.
Un deuil que j’ai eu le temps de faire, mais dont la douleur de perte est encore présente, même des années plus tard.
J’ ai eu de la chance d’avoir des parents fantastiques, avec des défauts bien sûr, ils étaient des êtres humains de toute façon. Et un jour, j’aimerais avoir les mots pour leur écrire une lettre aussi jolie que celle-ci.
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