Qui sont les artisans de l’unité italienne ?

Francis Demier

Nous présentons ici le texte de la communication tenue le 2 mars 2010 au Musée Risorgimento de Bologne par Francis Démier, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris X. L’initiative s’inscrit dans le cadre d’un cycle de rencontres culturelles organisées par l’Istituzione Musei et le Quartiere Santo Stefano à Bologne, pour la célébration du cent-cinquantième anniversaire de l’unité de l’Italie

Les rapports de Napoléon III et de l’Italie ont toujours été ambigus. Nous sommes réticents à décider du caractère à privilégier. D’un côté l’héritier de la gloire impériale pour qui l’Italie est presque un héritage, le héros romantique admirateur et un moment compagnon de la route du Carbonari, de l’autre l’empereur Napoléon III qui mène en Italie un jeu complexe parce qu’il est pour lui de faire avancer une cause nationale contre l’Europe à la Vienne , mais aussi d’affirmer dans cette politique son profil de gauche, sans perdre le soutien de l’Eglise à la question du destin du Pape.

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Du côté italien, il faut tenir compte d’une évolution profonde. Après de grands espoirs fondés sur l’engagement de Louis Napoléon pour la cause italienne, l’image de l’empereur s’est rapidement détériorée au point de révéler une véritable hostilité envers celui qui, dit-on après Villafranca, a trahi la cause nationale. Mais il faut distinguer les réactions populaires et sentimentales de celles des dirigeants comme Cavour qui ont toujours pensé que l’engagement de Napoléon III était indispensable et en fait positif.

Pour comprendre ces positions, il fallait revenir à quelques tours des relations entre Louis Napoléon Bonaparte et l’Italie. Une première date importante fut celle de 1831 lorsque Louis Napoléon rejoint les conspirateurs de la Romagne.

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Cette une solidarité étroite avec les libéraux italiens remonte à son arrivée à Rome en 1823 où il vit avec sa mère Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine de Beauharnais. À cette époque, Louis Napoléon n’avait que 15 ans. Il était alors sous l’influence de son tuteur républicain Le Bas, qui s’inquiétait rapidement de le voir se livrer à la vie de dandy dans la bonne société romaine. Le Bas déplore « Il se couche tard et il se lève tard, il travaille très peu ». Cependant, il néglige l’évolution du jeune homme qui s’est alors enthousiasmé par le mouvement romantique et s’ouvre à la politique en se connectant aux jeunes libéraux italiens. Louis Napoléon, qui a le goût de l’aventure des idées généreuses, conserve aussi la leçon inspirée par son précepteur Le Bas, l’idée démocratique de la souveraineté populaire, fondement de la légitimité des dirigeants. Ces idées ont pris une nouvelle dimension en Italie dans les années 1820, où une jeune génération se mobilise contre restaurations, sur les idéaux de la liberté et de la nation. Le mouvement a d’autant plus d’impact sur le jeune Louis Napoléon que partout en Europe se battent pour la liberté, notamment en faveur de l’indépendance de la Grèce, combat que Louis Napoléon a été tenté de rejoindre à un moment donné.

C’ est à la fin des années 1820 que Louis Napoléon entra en contact avec la première génération romantique et libérale de patriotes italiens. S’il était affilié à l’Italien Carbonari à cette époque reste controversé, mais le plus important est que Louis Napoléon semble alors lié par cœur et pensée avec les opposants les plus résolus de l’absolutisme et de la domination autrichienne.

Les Italiens de l’époque au moins libéraux comme Mazzini sont très attentifs à ce que le neveu de l’empereur peut apporter à la cause du Risorgimento.

C’ est cette situation qui l’a conduit à participer avec les conspirateurs dans la révolution de 1831. À cette date, il était à Florence après avoir été expulsé de Rome et a participé au soulèvement de la Romagne aux côtés des insurgés. Avec son frère Napoléon Louis à ses côtés, un frère du reste plus engagé et en contact avec Ciro Menotti. Il a ensuite voyagé à la tête de petits groupes de cavaliers à travers les états du Pape insurgés où un gouvernement provisoire a été établi. L’aventure est courte mais cette expérience convainc Louis Napoléon alors que comme il écrivait à son père l’ancien roi Louis que « tous les peuples d’Europe recouvrent leurs droits et sauront les garder ».

Un engagement enthousiaste qui ne rassure pas la famille et conduit le roi et la reine à intervenir pour éloigner les deux jeunes de l’aventure. L’intervention de son père le roi Louis auprès des insurgés a permis de convaincre Armandi le ministre de la guerre du gouvernement provisoire de les éviter de se battre. Le la défaite des insurgés suivie d’une répression très sévère a conduit les deux frères à se retirer à Bologne, où ils se sont vu refuser de s’enrôler comme simples volontaires. Dans Forlì le frère de Louis Napoléon, Napoléon Louis, mort de rougeole, la reine Hortense, réussit néanmoins avec de faux passeports pour sauver Louis Napoléon et l’abriter en traversant toute l’Italie avec un Louis Napoléon le crâne rasé déguisé en laque pour rejoindre clandestinement la France avant d’aller à Londres qui mettre fin au premier épisode des relations entre Louis Napoléon et l’Italie.

L’ image de Louis Napoléon était alors très favorable aux Italiens. Armandi le ministre du gouvernement des insurgés à un moment où il cède à la demande de Hortense que son fils soit retiré des combats lui écrit « Soyez fier d’avoir de tels enfants ; toute leur conduite dans de telles circonstances est une chaîne de nobles sentiments généreux dignes de leur nom et de l’histoire ne sera pas oublie ça. »

Les Italiens fidèles à la cause du Risorgimento voient alors à un moment où la monarchie de Louis Philippe abandonne la cause des Italiens à Metternich un espoir pour l’avenir. De plus, Louis Napoléon reste en contact avec Mazzini qui pensa en 1834 qu’il pourrait faire un bon dirigeant à la tête d’une insurrection à venir.

La nouvelle rencontre entre Louis Napoléon Bonaparte et les Italiens est bien connue, c’est un contemporain de la Seconde République en 1849, à une époque où Louis Napoléon Bonaparte est devenu Président de la République depuis décembre ’48. Depuis les élections générales de mai 1849, le président du prince est maintenant confronté à une majorité du Parti de l’Ordre, où les catholiques occupent une position clé. Ils sont impatients de mettre fin à la république romaine qui s’est établie autour de Mazzini et de Garibaldi et ont l’intention d’obtenir dès que possible du prince présidant la restauration du pouvoir du Pape dans ses états. Louis Napoléon Bonaparte, même si on peut le croire avec regret, cède à cette pression et décide d’envoyer le contingent militaire français d’Oudinot avec la simple mission d’interférer entre les Autrichiens et les insurgés enracinés dans la ville éternelle. La résistance inattendue des Républicains romains à l’armée d’Oudinot eut pour effet immédiat de durcir la position de Louis Napoléon Bonaparte, qui donna alors l’ordre de mettre fin brutalement à la République romaine. La chute de Rome a soulevé l’indignation de la gauche républicaine qui accusait Louis Napoléon Bonaparte de trahir ses idéaux de libération des peuples. 59 députés demandèrent l’inculpation du Président de la République.

La position de Louis Napoléon Bonaparte est très ambiguë. Ses contacts avec Victor Hugo peuvent suggérer qu’il a été vraiment déchiré.

On peut aussi noter les positions que l’on peut qualifier de réalistes et qui montrent que Louis Napoléon se sent maintenant une partie d’un restauration de l’ordre en Europe. Le rétablissement de l’ordre, le rejet d’une république révolutionnaire oui, mais l’ordre pontifical devrait en son esprit s’accompagner de réformes libérales. Ce n’est pas le cas.

La répression est contre les républicains italiens qui vont maintenant voir le prince président comme l’artisan de leur défaite. Louis Napoléon Bonaparte clarifiera même la nature de son intervention, rappeler son souci d’échapper à un retour de l’absolutisme papal, les patriotes italiens qui ont participé à la révolution de 1848, reprendront la déclaration des triumvirs, Mazzini, Saffi, Armellini « France assassiné la République romaine ». Il existe maintenant une rupture entre le passé carbonarianiste et romantique de Louis Napoléon Bonaparte et sa nouvelle image, d’autant plus que l’on peut penser que son désir de protéger les Romains pendant un moment était en fait guidé par le souci de voir l’Autriche étendre son influence sur l’Italie centrale. En outre, nous devons tenir compte du fait que dorénavant les opposants politiques de Louis Napoléon Bonaparte, les républicains prononcés, Ledru-Rollin puis les socialistes démocrates, défendaient les républicains italiens et condamnèrent fermement la prise de pouvoir réactionnaire du prince-président et ont mis l’idée d’une trahison de la République dominée par le parti de l’ordre.

Cependant, les relations entre l’Italie et Louis Napoléon Bonaparte évoluent dans la mesure où l’idée d’une révolution italienne conduisant à la solution mazzinienne de la République semble définitivement compromise avec l’échec de ’48. A partir de ce tournant, les espoirs se tournent vers la Maison de Savoie et la perspective de construire la future Italie sur un modèle politique et social très modéré autour de la monarchie de la Savoie. La condition du succès d’un tel projet exige que le Royaume de Savoie trouve un allié puissant capable d’exclure la présence autrichienne. C’est pourquoi Cavour, Premier ministre du Royaume de Sardaigne, est profondément convaincu que cette politique exige une nouvelle alliance avec la France de l’empereur Napoléon III.

C’ est le moment où l’image de l’empereur change à nouveau en Italie, mais sur une base réaliste et plus politique que sentimentale. Cela n’empêche pas Cavour avec habileté d’émailler sa correspondance avec l’empereur remarque dans laquelle il ne manque pas de rappeler les premières convictions de celui qui était le compagnon des armes du carbonari et du champion de la cause de la liberté des peuples. C’est dans cette perspective que Cavour accepta de se tenir aux côtés de la France et de l’Angleterre dans la guerre de Crimée. Cet engagement s’inscrit, d’ailleurs, dans une politique de Napoléon III qui avait l’ambition de rompre avec l’Europe des traités de Vienne et donc de rompre ainsi de la Russie d’abord, mais puis de l’Autriche du jeu européen et de donner ainsi un nouvel élan au principe des nationalités maintenant acceptables pour l’Empire parce qu’il serait entre les mains de politiciens italiens très hostiles à une perspective révolutionnaire.

Comme dans les scénarios précédents, la position de Napoléon III sur l’Italie reste ambiguë. L’empereur voulait renouer avec son passé en tant que défenseur des nationalités et son problème était de retrouver une partie de l’opinion de gauche en France, mais il craignait de se couper de l’opinion catholique soutenue par l’impératrice sur la question romaine. Les choix étaient d’autant plus complexes que toute sa politique européenne consistait à se réconcilier avec l’Angleterre attentif aux déséquilibres européens et très réticente à développer une nouvelle influence française en Italie.

En 1855, cependant, les contacts se multiplient entre le Piémont et la France. Victor Emmanuel a été reçu à Paris à l’occasion de l’Exposition Universelle. Cavour, pour sa part, envoie à Paris la comtesse de Castiglione, aristocrate d’origine florentine, chargée de ses nombreux talents pour convaincre l’empereur sensible aux jolies femmes de prêter son soutien au Piémont contre Autriche. L’empereur hésite encore parce que son entourage est divisé. Hostile à une guerre contre l’Autriche : les catholiques, mais aussi la bourgeoisie française, les milieux industriels, qui craignent l’aventure, l’impératrice Eugénie à la tête d’un bloc conservateur engagé à la défense du Pape.

Mais l’attaque d’Orsini contre l’empereur le 14 janvier 1858, l’appel désespéré des révolutionnaires italiens à Napoléon III considéré encore comme l’ancien Carbonaro, détermina l’empereur à prendre en main la question italienne. Il ne pouvait pardonner Orsini, devant la résistance de son entourage, mais au lieu de durcir sa politique de droite comme l’invitaient les conservateurs, il pensait que, au contraire, le moment était venu de reprendre son rôle de champion des nationalités, de l’option démocratique et de donner une barre à gauche. Napoléon III renvoie Espinasse ministre de l’Intérieur, qui lui rappelle que le régime est détenu uniquement par « l’horreur de l’anarchie républicaine », appelle Delangle, magistrat modéré, affirme qu’une guerre européenne serait très peu probable en cas de conflit avec l’Autriche. L’option lui semble d’autant plus réalisable qu’il s’agit maintenant de soutenir un processus d’évolution en Italie qui ne repose pas avec Cavour sur un mouvement révolutionnaire et au-delà, il s’agit de réviser les contours de l’Europe fixés par le Congrès de Vienne en 1815.

Ce tournant conduit à l’interview de Plombières du 21 au 22 juillet 1858, entre Napoléon III et Cavour.

Napoléon III accepta d’établir une alliance militaire entre les deux France et le Piémont et aussi la création d’un royaume du Nord de l’Italie comprenant le Piémont et la Sardaigne ; la Lombardie et la Vénétie, arrachés à l’Autriche ; les duchies de Parme et de Modène, la Romagne pontificale ; le reste de l’Italie serait organisé dans une Italie centrale avec la Toscane, les Marches, l’Ombrie les Etats de l’Église réduite à Rome et au Latium, et enfin, le royaume de Naples est parti aux Bourbons. Le tout serait une confédération présidée par le Pape. En échange, la France recevrait Nice et Savoie après consultation des habitants. À la demande de Napoléon III, le futur mariage de son cousin le prince Napoléon (Plon Plon) fut finalement arrangé, avec Marie-Clotilde de Savoie, que Victor Emmanuel aimait à peine.

Il est clair que Napoléon III n’avait pas l’intention de faire l’unité de la péninsule. Son idée était d’aider les habitants de l’Italie du Nord à se libérer du joug autrichien, et il pensait aussi que l’influence française pourrait être pleinement exercée sur la nouvelle Confédération. Il rejette l’idée de réunir tous les Italiens sous la direction du Piémont et entend maintenir la souveraineté pontificale sur Rome.

Cavour n’aima pas l’accord, mais Cavour avait peu d’alternative et pour lui l’important était d’obtenir des militaires aide de la France, pour le reste, il pensait que de nouvelles possibilités s’ouvriraient au Piémont. Cavour quitta Plombières, écrivant à La Marmora qu’il était « soddisfatissimo ».

Pour sa part, Napoléon III, confronté à une très forte résistance de sa majorité politique et à l’incertitude de la réaction des puissances européennes à une guerre, a cherché à éviter les conflits et cherche à négocier. Et a proposé une sorte de nouveau congrès à Paris. Ce sont les Autrichiens qui déclarèrent la guerre le 23 avril 1859 précipitèrent la crise. La France, selon les accords de Plombières, devait s’engager. Une grave erreur de l’Autriche, qui s’est trouvée isolée en Europe pour avoir déclenché des hostilités.

Napoléon III prit le commandement de l’armée avec grand plaisir. Son rêve avait toujours été de retourner à Milan à la tête de l’armée française en tant que libérateur. Mais l’armée française était mal préparée, mal organisée et mal conduite. C’était la médiocrité de le commandement autrichien qui hésitait à attaquer l’armée piémontaise et a permis la concentration de 5 corps français sur Alexandrie, ce qui donna aux armées françaises et piémontaises un avantage inattendu. Les premières batailles furent difficiles et coûteuses. Une première victoire à Magenta le 4 juin a permis l’entrée triomphale des Français à Milan et un hommage de la population à un Napoléon III libérateur qui a encouragé les Italiens à aller de l’avant « Soyez seulement soldats aujourd’hui, demain vous serez citoyens libres d’un grand pays ». Mais rien n’est fait. La Lombardie est libérée, l’Italie centrale est en hausse mais l’armée autrichienne reste très forte en Vénétie est encore plus nombreuse que celle des Franco-Piémontais. Une nouvelle bataille s’engage à Solferino les Français ont l’avantage mais perdent 18000 hommes. Le champ de bataille la boucherie qui conduira à la création de la croix rouge a très fortement impressionné Napoléon III qui comprend qu’il n’est pas un seigneur de guerre et qui a donc l’intention de mettre fin à un conflit.

La situation est compliquée par le soulèvement du Centre, la fuite des souverains et l’apparition d’une poussée révolutionnaire qui mobilise immédiatement la droite française contre l’aventure de Napoléon III. La situation est d’autant plus difficile que la Prusse menace d’intervenir au nom de tous les Allemands. La poursuite de la guerre semblait impossible (il aurait fallu au moins 300 000 hommes) Napoléon III choisit de faire la paix (traité de paix de Villafranca le 11 juillet 1859).

Le traité est loin de satisfaire Cavour car si la Lombardie revient au Piémont, la Vénétie reste autrichienne. Le Pape est rétabli dans ses droits en tant que souverains de l’Italie centrale.

Cavour démissionne avec un accident et Napoléon revient en France, vainqueur mais honoré par les Italiens.

L’ option très limitée choisie par Napoléon III s’explique par le problèmes auxquels l’empereur a fait face. En plus des difficultés militaires représentaient une victoire complète sur l’Autriche, qui n’a pas été écrasée en aucune façon, l’intervention française, les succès militaires avaient déclenché dans tout le nord de l’Italie et jusqu’à Florence un puissant mouvement populaire dans lequel les conservateurs français déjà mobilisés en faveur de la pape a vu immédiatement pointer vers un danger révolutionnaire. L’empereur hésite à les affronter.

Ce fut une terrible déception dans l’opinion publique italienne très mobilisée. Cavour, se croyant trahi, a démissionné.

Mais le changement de direction française a eu des effets désastreux dans l’opinion italienne. Nous étions très loin de « l’Italie libre à l’Adriatique » comme l’avait promis l’empereur quand il est arrivé à Gênes 6 mois plus tôt. Pour ne pas remplir sa promesse, Napoléon III a dû quitter l’Italie comme vainqueur mais honoré par des patriotes. Nous pouvons alors nous opposer à l’accueil triomphal fait à par la population parisienne très patriote qui l’a salué lorsque 100 000 hommes marchent devant la colonne Vendôme et l’hostilité déclarée des patriotes italiens.

Mais un élan avait été donné en Italie et on pouvait l’utiliser ce que Cavour a vite compris. Il soutenait les assemblées constituantes qui remplaçaient les princes en Italie centrale et ceux qui proclament leur allégeance au Piémont. Les Autrichiens ne pouvaient guère intervenir, et Victor Emmanuel demanda à Napoléon III son soutien pour unifier le nord de l’Italie. En fait, il est d’accord même s’il est immédiatement confronté à la très forte résistance du parti catholique. De retour en France, il prend la mesure du pouvoir du mouvement populaire italien déclenché par la défaite de l’Autriche et l’impossibilité de l’enrayer. « Je ne peux pas arrêter l’élan de ce peuple », a-t-il déclaré à l’ambassadeur autrichien à Paris. Ceci explique le feu vert donné à Turin pour l’annexion de la Toscane des duchies et les légations pontificales. Le 22 décembre 1859, dans une brochure Le Pape et le Congrès Napoléon III conseilla au pape de renoncer à la plupart de ces états. « Plus le territoire est petit, plus le souverain sera grand ! »

Cavour pense qu’il peut aller de l’avant. L’annexion au Piémont de la Toscane, des duchies émiliens et de la Romagne a été acquise au printemps de 1860 et immédiatement ratifiée par plébiscites. Seule la Vénétie manque, mais les gains sont très importants et c’est alors que Nice et Savoie ont été annexés à la France après plébiscite. Maintenant, nous sommes complices, dit Cavour à l’ambassadeur de France.

Une autre phase de l’unité a alors eu lieu de mai à novembre 1860, mais celle non programmée par Cavour, celle de la conquête et de l’annexion du sud de l’Italie.

L’ opération des Mille, soutenue en fait Cavour et dirigée par Garibaldi, ne rencontra pas l’opposition de l’empereur qui vit le annexion du royaume de Naples en compensation de la question de la Vénétie, mais à condition que la souveraineté du Pape sur Rome ne soit pas compromise. La chute du royaume de Naples ne pose pas de problème à Napoléon III, mais l’inclination de Garibaldi d’aller à Rome où la capitale est gardée par une garnison française est inacceptable pour la France, ce que Cavour comprend très bien.

Cavour réussit alors à convaincre très habilement Napoléon III que le Piémont a dû intervenir à Naples et en Sicile pour empêcher la zone de tomber entre les mains des « révolutionnaires » et exigé au-delà de l’annexion du reste du sud en s’engageant à quitter Rome et le Latium au pape. Napoléon III accepta et dit aux envoyés de Cavour : « Bonne chance et fais vite ». En septembre 1860, la défaite des soldats du pape devant les troupes piémontaises a permis l’occupation des Marches et de l’Ombrie. Le 7 novembre, Victor Emanuel entra à Naples en octobre les plébiscites ont conclu les annexions.

Napoléon III protestait pour la forme, et surtout empêcha la formation d’une coalition européenne conservatrice contre la nouvelle Italie à la demande de l’Autriche. Cavour lui-même déclara « que grâce au ciel et à l’attitude résolue de la France » le péril était conjugué. Le 23 mars 1861 Victor Emanuel fut officiellement proclamé RothItaly.